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428                  LE PREMIER AMOUR

pâle, ses yeux brillaient comme si elle avait pleuré, et le
visage de sa mère laissait assez percer son inquiétude.
   Je racontai mon excursion et la scène d'enrôlement dont
j'avais été témoin au Puy, sans dissimuler le projet que
j'avais formé de partir à mon tour pour aller défendre la
 patrie menacée.
   —• C'est bien! dit la mère. Vous reviendrez capitaine
comme mon mari.
   — Capitaine ou colonel, répondis-je avec une assurance
extraordinaire, et je viendrai déposer mon épée aux pieds...
   La mère m'interrompit vivement :
   —        aux pieds de la sainte Vierge, en la remerciant
de vous avoir protégé dans le passé et en la priant de vous
inspirer dans l'avenir la discrétion et 'la sagesse qui man-
quent quelquefois aux jeunes gens.
   Jeanne, se levant alors sur un signe imperceptible de sa
mère, nous souhaita le bonsoir et se retira dans sa chambre.
   — Écoutez, jeune homme, me dit alors Mmc Durand ;
personne ne nous entend, et nous allons causer franche-
ment et loyalement. Il y a huit jours, nous étions absolu-
ment inconnus les uns aux autres. Le hasard vous conduit
à Vais où, avec ma permission, je le veux bien, vous faites
danser ma fille. Le hasard vous fait encore assister au début
d'une de ces crises nerveuses auxquelles ma pauvre enfant
est sujette; et aujourd'hui vous vous trouvez encore là, et
vous lui faites, sans plus attendre, une véritable déclaration
que j'ai à peine le temps d'arrêter au passage. Mon cher
Monsieur, vous avez dix-huit ans au plus, et vous vous dis-
posez — ce dont je vous loue fort — à aller défendre notre
pays. Ma fille n'a que seize ans et sa santé m'inspire des
appréhensions beaucoup plus vives que vous ne pensez.
Toute espèce d'émotion est un danger pour elle, et, sans