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388                    OCTAVE FEUILLET

cas, trop apercevoir les artifices du procédé. Un romancier
naturaliste peint l'homme animal, M. Feuillet, l'homme
raisonnable; comme Virgile, qui prêtait à ses abeilles des
sentiments moraux, il saurait éclairer même les pierres
d'un reflet d'idéal.
    Qui donc déjà l'a accusé de romanesque? Comme si la
vérité scientifique appartenait au roman et qu'il ne fût pas
de l'essence du genre que la fée créatrice y joue un rôle
plus ou moins dominant !
    Si, outre sa clientèle féminine et mondaine, M. Feuillet
recrute maints lecteurs cultivés, c'est que, presque le seul
des conteurs en vogue, il a le droit d'être appelé un écrivain.
Depuis Jules Sandeau, talent de même famille, mais supé-
rieur par le tact et la sensibilité, parce qu'il avait été baptisé
dans l'esprit du premier romantisme, nul, autant que l'au-
teur de La Morte, — nous n'exceptons pas M. Cherbuliez,
— n'a su faire d'un roman une œuvre d'art, juste de pro-
portions, sans surcharges descriptives ni enchevêtrement
 confus d'incidents et de personnes, une dans sa complexité.
 Si la précision n'est pas la qualité maîtresse de sa plume un
 peu oratoire, il ne se permet jamais, malgré la contagion
 des mauvais exemples à la mode, d'impertinence envers la
 langue. L'élégance que ses grandes dames mettent dans
 l'art de s'habiller, leur distinction devenue naturelle, il en
 a fait la marque de son style, mérite inappréciable, par ce
 temps de littérature démocratique.
    Sa grâce ne manque point de vigueur. Puisque les carac-
 tères et les passions forment les éléments essentiels du vrai
 roman, il paraît moins propre à fouiller les premiers qu'à
 exprimer les secondes dans leurs fièvres et leurs fatalités
 tragiques, ne les dépouillant jamais, toutefois, de la dignité
  humaine, d u e ses récits soient toujours d'une moralité