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SOUVENIRS LYONNAIS 359 Charles me présenta sa femme, ils vinrent me voir à plusieurs reprises, ne parlant que de parties faites ou à faire, étalant un bonheur complet. Quelques mois s'étaient à peine écoulés dans cette joyeuse et inconsciente ivresse, lorsqu'une affreuse nou- velle arrivait à l'improviste à Paris : M. Muloch venait de trouver la mort dans un accident de chemin de fer; ce ter- rible événement hâta nécessairement le retour en Amérique de Mme Muloch et de ses enfants. Il y avait pour eux tous un intérêt urgent et majeur à sauvegarder et à recueillir intacte la fortune du grand avocat. A leur arrivée à New-York, il leur fut bien vite démontré que la liquidation serait épineuse et longue; elle menaçait même de devoir s'éterniser. Les choses durèrent ainsi, sans incidents notables, pendant plus de deux ans, jusqu'au mo- ment où éclata la fameuse guerre de sécession des États- Unis. Charles Legendre, qui n'avait jamais manié un fusil, mais à qui l'oisiveté pesait, s'engagea dans l'armée du général Burnside, à Washington; Mme Muloch se chargeait des intérêts de la famille et devait poursuivre la réalisation de leur fortune; elle acceptait aussi une mission plus déli- cate, celle de consoler la jeune femme, de l'aider dans les soins à donner aux jeunes enfants, dont l'un était encore à la mamelle. Je n'ai pas besoin d'ajouter que c'était la cause du Nord qu'embrassait Charles Legendre : j'ai cité le nom du général Burnside; et d'ailleurs, son caractère chevaleresque, ses idées généreuses et libérales le rendaient l'adversaire natu- rel du parti esclavagiste. La brillante instruction qu'il avait reçue, sa belle mine, un courage à toute épreuve, le por- tèrent rapidement au grade de capitaine. Tout le monde