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218                 NOTES HISTORIQUES

Pâques, et ironie du sort, ce jour-là il semblait que toute
la ville sortait sur ses talons pour lui gâter ses champs. Il
rêvait de transformer en verte oasis la fontaine qui étendait
devant lui ses eaux noires et puantes. Il avait obtenu pour
elle un groupe de vaches laitières que chaque jour, le soleil,
en s'inclinant, voyait attachées à la grille, et n'obtenant
pas de fleurs pour border le bassin, il semait nuitamment
du sainfoin qui levait à plaisir.
  ' Mis en goût, il voulut peupler ses bassins de grenouilles.
Il se les procura, mais les vertes déportées s'y plaisaient
peu; l'eau ne verdissait pas; elle paraissait se noircir encore
de toute l'amertume de leur cœur            Peu de chants
Pourtant, dans les nuits claires, lorsque la lune courait ra-
pide sur les nuages frangés d'argent, pensant à la patrie
absente, elles entonnaient leur Super flumina Babylonis, se
répondant mélancoliquement d'une vasque à l'autre.
    Cela berçait le sommeil du bucolique, dont les rêves se
peuplaient de prairies herbeuses, de ruisseaux limpides et
de saules tremblants, mais le pharmacien, qui tenait sa
sonnette de nuit pour suffisante, envoyait au diable les gre-
nouilles et la campagne. — Bon pour les herboristes, la
campagne ! ! — Et dès l'aube, en tapinois, il versait dans
les bassins de la fontaine le contenu toxique de ses bocaux
multicolores
    Puis, c'était le silence de la tombe
    Peu après, paraissait dans le journal de l'amoureux des
champs un article furibond, réclamant au nom de la santé
publique, le changement du liquide noir et empesté « du
grand encrier à pompé municipal ».
    Alors commençait une singulière course d'épitres :