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A LA SALLE DE DANSE 199 Cela durait si longtemps que les boucles brunes d'Adrienne se défaisaient parfois, et roulant sur ses épaules, venaient s'éparpiller sur la mienne et me frôler la joue. Toute rouge de confusion, elle s'arrêtait pour rassembler ses cheveux à la hâte, et se lancer de nouveau dans le tournoiement. Quand le père Leroy, lassé, finissait par déposer son crin- crin, on était reprécipité sur la terre, comme des anges à qui le Seigneur aurait soudain donné un cul de plomb. * * Certaine « soirée », au commencement, Adrienne en dansant un quadrille, me dit à voix basse : « Retenez-moi pour toutes les valses, ce soir !» — Je compris facilement que ce n'était point pure préférence. La valse prête aux inconvenances. Elle savait qu'avec moi elle n'avait point à en redouter. Je lui en sus gré, bien plus encore que d'une préférence. Mes yeux le lui peignirent. * * * Elle m'avait conté ce qu'elle était. Ses parents avaient un petit atelier de gaînier pour la fabrication des écrins. La partie n'allait guère. L'été, elle était demoiselle de bou- tique dans un magasin de chapeaux de paille de la rue Mercière. L'hiver, elle pliait des papillotes chez le confi- seur Randin, place de la Comédie. Aux approches du jour de l'an, elle était au comptoir, et tout le monde voulait lui acheter.