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                       LE NUMÉRO 2 1                       35

    Mu comme par un ressort, je me dresse sur mon séant,
puis rallume ma bougie.
    Mais non, me répété-je mentalement. Il m'a dit que c'est
à côté et rien ne le poussait à mentir. Après tout, ce serait
bien ici? Neuf fois sur dix, nous dormons, chez nous ou au
dehors, dans un lit où ceux qui nous ont précédés dans la
vie ont dormi leur dernier sommeil. Nous ne pouvons fou-
ler un pouce de terre ici-bas, où ne se soit, hier peut-être,
posé le pied d'un homme, aujourd'hui descendu dans la
tombe.
    Un peu de lecture est souvent un bon remède contre
ces états d'insomnie fébrile. Afin de rasseoir un peu mon
esprit et mes sens, j'entreprends la lecture, tout au long,
d'un numéro des Débats, que j'avais déjà parcouru dans la
journée. Comme calmant, on ne saurait trouver mieux :
deux colonnes sur la question d'Orient, trois colonnes sur
le bimétallisme, le message de la reine d'Angleterre à l'oc-
 casion de l'ouverture du Parlement, et, en variétés, à la
troisième page, une étude sur le mouvement anti-sémitique.
    Eh bien, j'achevai consciencieusement les trois pages,
sans que le moindre assoupissement parût vouloir fermer
mes yeux. Je passai alors aux annonces, cette partie du jour-
 nal que nombre de lecteurs ont le tort de négliger. Qu'un
 journal soit dépourvu de tout intérêt, le fait est fréquent;
 mais, aux annonces, il y a toujours quelque chose de nou-
 veau, d'imprévu, de piquant — pour qui sait les lire.
     Cette quatrième page, née d'une collaboration multiple
 et nullement concertée, ouvre à l'esprit un monde d'aper-
  çus et de réflexions. L'humanité y défile, sous des aspects
  divers et parlant des langages les plus variés. On y surprend
  des secrets étranges; il y a des chefs-d'œuvres de prosaïsme
  et de naïveté, comme aussi des lueurs de lyrisme et de véri-
  tables traits de génie.