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DEUX MOIS EN ESPAGNE 39 nante à un vieux couvent, fut le premier monument que j'y visitai; elle fut construite par Isabelle après le combat de Ton contre les Portugais, et ce qui est tout particulier à ce monument, c'est qu'il fut décoré à l'extérieur avec les chaînes que portaient les chrétiens dans les prisons de Malaga; les unes sont suspendues dans des niches creusées à cet effet ; les autres sont enlacées dans des corniches de feuillage de pierre ; ces chaînes, ces carcans dévorés par la rouille, sont devenus des trésors pour les antiquaires an- glais, qui en ont tant fait voler pour leurs collections, qu'il n'en reste plus d'entières qu'au sommet de l'édifice. Le cloître Saint-Jean qui y est attenant, quoique dévasté par les Français, offre un ravissant coup d'oeil, car les lierres et les plantes grimpantes ont masqué leurs ravages, et se mêlent avec une grâce infinie aux sculptures de marbre, en se répandant jusque sur les mosaïques du dallage. L'église de Sainte-Marie-la-Blanche, est une petite mos- quée arabe sur le plan de celle de Cordoue; elle a servi de magasin de bois et est encore délaissée. La cathédrale est un édifice admirable, et d'une richesse incroyable ; elle m'a rappelé en petit cette magnifique basilique de Barcelonne : mêmes dispositions intérieures, cloîtres, jardins, bassins comme dans l'autre que je cite. Sans dessins, que je ne puis me procurer, vingt pages ne sauraient en donner une idée ; je vais donc la passer sous silence et parler de la place sur laquelle est sa vieille porte couverte de sculptures, et qui s'étend entre elle et les pavillons d'Isabelle que j'aj déjà cités et qui sont maintenant l'hôtel de ville. Cette place devait être vers douze cent, pour l'Espagne, ce que fut pour la France celle du Carousel, un véritable vestibule de la demeure royale ; proportions gardées avec les rues qui l'avoisinent, elle devait alors paraître bien vaste; telle qu'elle est, son décors est encore très conve-