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364 DEUX MOIS EN ESPAGNE la Giralda de Séville, leurs tours et leurs fortifications, prou- vent que, dans ce cas, ils savaient concevoir d'une autre manière. Toutes ces colonnes des marbres les plus précieux sont pour la plupart de véritables curiosités archéologiques. Les unes sont carthaginoises, d'autres romaines, la plupart gothiques, et les dépouilles du midi de la France dont les Maures avaient ravagé les églises ; d'autres viennent de Constantinople. Où sont les dons des Mahométans de l'Asie, jaloux de se procurer la faveur des puissants Kha- lifes ? Elles forment trente-six rangées dans le sens le plus étroit du bâtiment, mais elles sont environnées de ténèbres; quelques jours perdus de loin en loin, à travers les cou- poles, ne permettent guère de les admirer, et dès que le soleil touche à son déclin, elles font de ce temple un dédale où il est bien difficile de se conduire. Une construction de ce genre était peu appropriée au culte catholique ; aussi le chapitre fit tant de démarches près de Charles-Quint qu'il obtint de construire une véri- table église dans le centre de l'édifice. Pour cela, on détrui- sit, au milieu, et les voûtes et les galeries, et on éleva en place une vaste nef en croix latine. Quand le roi vint visi- ter le travail, il dit qu'il ne l'eût pas permis s'il avait prévu tout ce qu'il y aurait à détruire. Il me semble cependant que ce regret était exagéré, car avec ce qui reste, la pensée reconstruit aisément ce qui manque, et au total on n'est pas fâché de respirer un moment sous ces grands arceaux en- tourés de tant de petites voûtes écrasées. Je ne dirai rien du Mirhab, grande niche qui servait au- trefois à déposer le Coran, et qui a conservé le nom de son premier emploi ; coupoles, fenêtres, galeries et mosaï- que, tout y est d'une richesse encore supérieure à celle du reste de l'édifice. Mais après avoir parlé des magnificences