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DEUX MOIS EN ESPAGNE 357 à l'abandonner par suite d'un tremblement de terre; je suis étonné qu'aucun de ses successeurs n'ait poursuivi cette œuvre déjà fort avancée, et à laquelle le voisinage de la charmante promenade donne une valeur particulière ; on l'a laissé tomber maintenant, et on n'a conservé que son cirque, qu'on utilise pour les courses de taureaux. Il est impossible d'assigner une forme précise à YHalam- bra mauresque telle qu'elle est parvenue jusqu'à nous. C'est un vaste pâté d'édifices, dont la première partie comprend un large cloître dont le centre est occupé par un grand bassin de marbre entouré de bosquets, où les sultanes venaient, dit-on, s'exercer à la natation. Quatre pavillons décorés comme les Arabes savaient le faire, et placés dans les angles du cloître, recevaient les négresses chargées d'accompagner ces dames. De ce premier atrium, on passe dans la cour, qui sert de dégagement à quatre grandes pièces, dont l'une, destinée à recevoir les ambassadeurs, a un dôme en bois de cèdre d'une conservation parfaite, tout couvert de mosaïques d'argent et de nacre, encadrées des plus délicieuses ara- besques. Il y aurait ici tout un livre à écrire pour donner une idée de ce ravissant ensemble, mais il faudrait bien se gar- der de le faire, car il serait aussi ennuyeux qu'inutile ; la photographie seule peut montrer ce qu'étaient les Arabes dans l'art de l'ornementation, et ce qu'ils savaient, avec le marbre et le stuc, faire en dentelles aériennes ; leur triom- phe était non seulement ces découpures si fines et si diffi- ciles, mais ces solides tapis en mosaïque, où ils encastraient et mêlaient toutes les matières précieuses qu'ils rencon- traient, depuis l'ébène, la nacre, l'argent, l'ivoire et le marbre, jusqu'à celles fragiles comme la faïence et même le verre doré et imprégné des plus vives couleurs.