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276            LA CHASSE AUX CHAMPIGNONS

nous inondait, Nous marchâmes une heure, dans le silence,
 qu'interrompaient seuls le bruit de nos pas et le son mat
 des gouttes tombant des arbres.
    A la sortie du bois, il faisait petit jour. Nous laissâmes
 à gauche un étroit vallon, une prairie profonde enchâssée
 comme une émeraude dans une ceinture de saules, et,
 lentement, nous gravîmes une côte rapide. Le ciel restait
 gris, mais peu à peu l'orient s'éclairait. Un geai, dérangé
 par nos chiens, passa obliquement sur nos têtes, avec des
 cris d'effroi qui allèrent se perdre dans la combe.
    Parvenus à la Crête, nous ne vîmes pas trace humaine :
 rien qu'un gazon ras, semé de bouquets de buis et de gené-
vriers chargés de baies, des pierres blanches de toutes les
 dimensions, avec des chardons épanouis et des œillets rou-
 ges, qui rompaient gaiement la monotonie du pâturage.
 Dans la plaine, au couchant, la rivière d'Ain serpentait à
 grands replis divisés en vingt bras et baignait chacun des
 beaux, villages de la vallée.
    La cueillette commença. D'abord, les cailloux blancs se
 laissent prendre pour des mousserons ; mais on ne s'y
 trompe pas longtemps. C'est de fort loin qu'on aperçoit ces
petits capuchons étincelants comme la neige et groupés
frileusement au pied des buis. On accourt : c'est beau
 comme des fleurs. Quelle forme élégante ! comme ces pe-
tits feuillets roses qui rayonnent sous les ailes entr'ouver-
tes sont délicatement ciselés ! et quel parfum de noisette !
Tout cela sort de terre en une nuit.
    Les gibecières s'emplissaient. Je songeais aux esclaves de
Viteliius guettant, la nuit, avec des lanternes, l'éclosion
des tendres végétaux que leur maître devait manger à son
réveil ; ce souvenir m'entraînait à des réflexions philoso-
phiques, lorsque le chant d'un coq retentit à mes oreilles
comme le son d'un clairon. Insensiblement, j'étais arrivé