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260 DEUX MOIS EN ESPAGNE voûté, qui est la pièce de réception de la maison, car il en est la salle à manger. Comme il n'a pas d'autre fenêtre que sa porte, nous le traiterions de cachot dans notre France luxueuse, mais il s'embellit soudain par l'entrée de la servante de l'hôtel, une vraie Maritorne, vieille sorcière de cauchemar, qui sur deux tréteaux mal assurés, étend une petite couchette qui a l'air assez propre, sauf les couvertures de laine qu'elle a dérobées aux mulets qui mangent dans la cour; elle arrange ensuite un banc, pose ma malle sur une petite table de sa- pin en face, puis elle s'en va, car elle a établi tout le mo- bilier La maîtresse de maison se hâte de la remplacer, elle ap- porte toutes ses provisions pour mieux s'entendre sur le souper. Elle a une grosse pièce de cochon enfumé, quelques œufs, enfin quelque chose qui pourrait bien être du beurre. Je fais signe de mettre le tout dans une poêle, elle ne com- prend pas, mais je me rappelle à propos le mot Tortillas (omelette), et nous nous entendons à l'instant à merveille. Je vais donc faire une promenade dans la ville, et à mon retour, on me sert bouillant, au fond d'un plat, quelques bouchées de cochon fumé, des œufs plus que douteux, et un peu de beurre rance faisant la sauce ; le festival com- mence donc. Maritorne a, de ses doigts de rose, ramassé dans le jardin quelques feuilles de laitue qui nagent dans une terrine, sur du vin et quelque chose de noir, qui est peut-être de l'huile ; on voit, à sa figure radieuse, que rien ne manque plus au festin, et je la scandalise par ma gour- mandise, en lui faisant signe de me cueillir encore une de ses oranges qui pendent à côté de la galerie. A Mansanarès je repris les diligences qui conduisent à Grenade; le pays devient plus riant, et j'allai coucher le jour suivant à Baylen, lieu fort joli, mais depuis la capitu-