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DEUX MOIS EN ESPAGNE 257 semble céleste, après les tristesses qui l'ont précédée. C'est la maîtrise de chant, qui se charge de produire cette harmo- nie ; institution regrettable pour nous autres Français qui la possédions aussi avant nos révolutions politiques, mais re- grettable surtout pour nos jeunes artistes qui y trouvaient une excellente école, et pour nos chanteurs émérites, qui, chassés des théâtres, quand leur voix disparait, se trou- vent souvent réduits, dans leurs vieux jours, à cette misère qui fit le tourment de leur début dans la vie. Valence est surtout remarquable par l'attrait de ses pro- menades les jours de fête; la principale est celle voisine de son enceinte crénelée, qui communique avec elle parle pont du Guadahiar. Il y aurait bien une querelle à faire à son fleuve, employé pendant la belle saison à l'arrosage, et tellement absent, que les blanchisseuses faisaient de petites digues dans son lit, pour y baigner leur linge ; mais ce n'est pas à nous autres Français, qui ne faisons rien de nos magnifiques cours d'eaux, à la risquer. Au reste, YAllameda pouvait s'en passer, et était, avec sa grande allée d'arbres, bien meublée de petites voitures, une promenade encore fort agréable. Parmi celles qui la sillonnaient, j'en remarquai une espèce qui lui paraît spéciale, ce sont des chars à bancs à demi-découverts, attelés comme des cabriolets, qui per- mettent l'équipage à la femme de la modeste bourgeoisie. Au reste, brillantes ou communes, toutes les voitures étaient remplies de gerbes de fleurs que les jeunes femmes avaient rapportées de la campagne pour s'en parer au théâtre, où devait chanter, le soir, la célèbre Kneithe ; il y aurait bien encore d'autres promenades, de belles églises, et l'hôtel de ville à décrire, monument où l'on garde le vieil étendard des Maures qui est d'une dimension colossale, et d'une rude étoffe, et la vieille épée du roi Jaime dont le bouclier est appendu au-dessus du maître-autel de la cathédrale ; '7