page suivante »
66 BIBLIOGRAPHIE nature ont la singulière prétention de lui en donner et ne connaissent d'autre horizon que celui de leur atelier. — Non, M. Raverat ne travaille jamais à froid. Avant de pren- dre la plume ou le pinceau, il va d'abord, sans cesse ni re- lâche, interroger la nature, l'écouter parler, pour ainsi dire, soit sur les hautes montagnes, soit dans l'ombre mysté- rieuse des vallées ; il va la reconnaître, lui demander l'ins- piration, l'émotion, sans laquelle il n'y a pas d'œuvre forte et durable; il cause en quelque sorte avec elle, il se fait son familier. Les nombreuses excursions qu'il a entreprises dans le Lyonnais, le Forez, le Beaujolais, le Dauphiné, la Savoie, le Bugey n'ont pas eu d'autre but. Au retour seu- lement, il osera, il essaiera de rendre les sensations divines qu'elle a éveillées en lui et de traduire les beautés naturelles qu'elle renferme. En un mot, pour M. Raverat, peindre ce n'est que se souvenir, c'est-à -dire, voir d'abord, sentir et ensuite raconter, concentrer, résumer, et chanter même ce qu'il a vu. C'est ainsi que cet auteur s'est révélé à nous, c'est ainsi qu'il est devenu maître dans un genre que beaucoup abor- dent et où bien peu ont réussi, en dehors des noms illus- tres que nous avons mentionnés. Aussi, quand il y a bientôt quinze ans, M. Raverat pu- blia ses promenades pittoresques à travers le Dauphiné, ce fut dans le monde des touristes et des admirateurs enthou- siastes de la nature un murmure flatteur de louanges, ou pour mieux dire, un véritable événement. Habitué qu'on était à ne trouver dans ces sortes d'ouvrages que des des- criptions froides et monotones, et même le plus souvent manquant d'exactitude et de vérité, on fut charmé de pos- séder enfin un livre qui était à la fois un guide sincère et en quelque sorte une œuvre d'art et d'histoire, capable de satisfaire les esprits les plus exigeants.