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44 PIERRE ET JEANNETTE XVI « Jeannette, dis-je, voici un de mes 'excellents amis, à qui j'ai raconté votre histoire; il sera bien aise de causer avec toi, avec Pierre et tes parents, et d'embrasser tes deux enfants. Il veut avoir sa place dans votre amitié. » Une légère rougeur colora le visage de cette jeune mère, qui était toujours parée de ses grâces de jeune fille. Elle était nu-tête; sa chevelure,, d'un joli châtain clair, était re- levée par un simple peigne en corne et partagée en deux bandeaux sans prétention, qui laissaient voir un front pur et intelligent ; ses yeux, châtains aussi, avaient un mélange de douceur et de vivacité, de satisfaction et de mélancolie; sa bouche exprimait la franchise ; un charmant sourire y régna pour nous recevoir; elle quitta le travail auquel elle se livrait d'une main agile. Nous nous entretînmes quelque temps avec elle de son mari, de ses vieux parents, de ses enfants, de ses animaux, de la récolte de l'année ; elle répondit à toutes nos ques- tions avec une pleine connaissance des choses de la pro- priété ; elle expliqua comment elle secondait Pierre pour faire une bonne et honnête maison. Je lui demandai de montrer son habitation à mon compa- gnon, pour qu'il jugeât de l'ordre et de la propreté qui y régnaient. On se serait cru dans une demeure hollandaise. Pas un atome de poussière, pas une tache sur les meubles, tous en bois du pays et faits par un menuisier du village. La cuisine, qui était aussi la salle à manger, offrait des us- tensiles luisants et polis. Une chambre à coucher, servant en même temps de salon, avait pour ornements une petite glace, une petite bibliothèque, enfin un cadre doré au milieu