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ou L'ÉCOLE DES PAYSANS 447 La soirée fut calme, grâce sans doute aux médicaments du docteur. Jeannette respirait plus régulièrement; elle appela son père et sa mère ; en les regardant, elle m'aper- çut; ses yeux exprimèrent alors une espèce de satisfaction; car elle avait toujours eu une extrême confiance en moi, et elle m'avait considéré depuis longtemps comme un de ses parents ou plutôt comme le chef providentiel de sa famille. Lorsque je lui pris la main, elle me sourit, mais avec un fond marqué de tristesse. Catherine m'arrangea un lit bien suffisamment conforta- ble, dans la pièce du premier, servant de grenier, mais très-propre d'ailleurs, comme tout le reste du ménage. Le lendemain, le médecin trouva une amélioration sen- sible ; il me permit de parler à la malade, mais non encore de prononcer le nom de Pierre. Je dis donc quelques mots à Jeannette, en lui rappelant mon amitié, celle de ma femme, du petit Charles. Peu à peu je la voyais s'animer doucement, sous l'influence des souvenirs de Beauregard. C'était assez pour ce jour-là . Le docteur, revenant le jour suivant, fut charmé de l'état de la jeune fille ; il permit qu'on la levât une heure, et m'autorisa, si cela continuait, à aborder dès le lendemain la question de Pierre. Le lendemain, en effet, la voyant toujours de mieux en mieux, j'osai toucher le point délicat; je lui dis : « — Il y a quelqu'un, Jeannette, qui t'a fait bien de la peine, et qui désirerait te demander pardon d'une lettre stupide qu'il t'a écrite dans un moment de folie, c'est Pierre. Lui pardonneras-tu s'il vient à tes 'pieds te supplier d'oublier cette lettre ? » « — Pierre! répondit-elle, ah! qu'il m'a fait de mal! Mais je suis prête à pardonner, puisque c'est vous, notre protecteur bien-aimé, qui parlez pour lui. »