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442 ALBERT ALBRIER méchante créature ne méritait ni excuse, ni pardon,et con- naissant la générosité de sa belle âme on ajoutait qu'on ne serait point étonné que quelque jour il fût assez faible pour se laisser gagner par les sollicitations de pareilles gens. Voici l'admirable réponse qui sortit de sa bouche calme et souriante : « S'ils avaient besoin de moi, ce ne serait pas « pour demain, mais pour aujourd'hui. » On le sait d'ailleurs, un des besoins les plus réels de M. Albrier était de s'employer à rendre service. Ni ses pas, ni sa peine, ni ses démarches ne lui coûtaient. Il remuait ciel et terre pour réussir et, grâce à ses belles connaissances, il obtenait presque tout ce qu'il sollicitait. On est si à l'aise quand on ne quête pas pour soi et qu'on veut faire partager à un ami le mérite d'une bonne action ! Tant que le noble jeune bomme eut un souffle de vie, tant que son cœur battit dans sa généreuse poitrine, il eut une préoccupation dominante, celle de n'avoir pas fait assez de bien. Et pour- tant dans quelles admirables dispositions ne s'est-il pas présenté devant le Juge Suprême lui, qui, la veille encore de sa mort, écrivait à un vénérable ami ces lignes qui sont véritablement sublimes dans leur simplicité naïve et vraie ? Il venait de rendre un immense service et disait au confi- dent de ses plus secrètes pensées : « Vous ne sauriez croire « quelle satisfaction intime j'éprouve d'avoir réussi; je suis « plus heureux que si j'avais hérité de la plus belle fortune « du monde. » Quand on a de telles pensées et qu'en outre on est chré- tien convaincu, catholique fervent et régulier, qu'a-t-on à redouter des surprises de la mort ? Elle pouvait fondre à l'improviste sur M. Albrier; il était prêt. C'est hélas ! ce qui arriva, et ce coup terrible et imprévu l'atteignit le 29 octobre 1878. Rien absolument n'avait fait pressentir son approche. Sans doute la santé altérée du savant, qui ne se