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282                PIERRE ET JEANNETTE
voyant les premiers signes d'intelligence du pauvre petit
être, ses trois doux protecteurs jouissaient délicieusement
de leur oeuvre de charité.
   Le sage André fit, d'ailleurs, toutes les démarches né-
cessaires pour que l'adoption de ce nouveau membre de la
famille fût faite légalement.



                             X

    Six mois s'étaient écoulés depuis la cessation de la cor-
respondance de Pierre et de moi-même avec Jeannette.
    Le régiment de mon jeune militaire s'était rapproché de
nous : il se trouvait à Lyon. La confiance complète que ses
chefs avaient en lui engagea son colonel à le charger d'une
mission importante relative au service de l'armée dans une
partie du département du Rhône, précisément dans les
montagnes du Beaujolais. Or, il savait que Jeannette y
habitait; mais dans quel endroit? Je n'avais pu le lui dire,
quoique je m'en doutasse; mais la discrétion que je voulais
observer à l'égard des parents de la jeune fille m'avaient
fait garder un complet silence sur le lieu de leur demeure.
    Tout en parcourant monts et vallées pour sa mission, il
 s'informait avec une anxieuse sollicitude de l'établissement
récent, dans ces cantons, d'une famille André dont il dépei-
gnait les membres.
    Il parvint à découvrir le séjour si activement recherché.
Mais comment se présentera-t-il chez ceux qui ont défendu
qu'il eût des rapports avec eux? Il ne doit pas chercher à
rencontrer Jeannette seule ; il lui semble que cela ne serait
pas digne des sentiments délicats qui les animent l'un et
 l'autre; c'est devant ses parents qu'il la reverra.