page suivante »
L'EXPOSITION DE 1 8 7 9 221 en un mot, une Judith illuminée par le patriotisme et ne re- culant devant rien pour accomplir sa mission et délivrer Béthunie de l'Hercule idiot, qui, dupe de ses grâces et de sa ruse, enivré d'amour et de vin, s'est endormi pour ten- dre son cou de taureau à sa noble vengeance. Si l'on veut trouver un tableau de dimensions à peu près identiques, il faut se transporter devant la Mort d'Action, de M. Hermann-Léon. M. Hermann-Léon,si nous ne nous trom- pons pas, est le fils d'un artiste qui, chanteur correct et co- médien hors ligne, tint, il y a une trentaine d'années, une place distinguée sur le théâtre de l'Opéra-Comique, et comme bon chien chasse de race, c'est un peintre qui est loin d'être le dernier venu. Dans son œuvre, il y a une idée; c'est, si nous pouvons nous exprimer ainsi, la centau- risation d'Actéon : par le torse et la face, il est resté hom- me; par le reste du corps, il est devenu cerf, et sa tête est surmontée des bois qui, avec le fumet qui s'exhale de tout son être, donnent le change à ses chiens et les excite à ac- complir l'implacable arrêt de Diane, déesse de la Chasse et delà Pruderie. Le corps du fauve s'affaisse avec naturel sous l'attaque de la meute et l'excès de la douleur, mais le corps de l'homme nous semble trop pâle et pas assez san- glant, de même que le visage, qui doit exprimer à la fois l'indignation, la rage et la honte, ne nous paraît que convul- sionné par l'étonnement et la souffrance. De plus, la scène se passe dans une forêt dont la verdure disparaît sous des tons de bitume, de bistre et de terre de Sienne brûlée, qui donnent à toute la toile l'aspect assez triste d'une grande sépia. La fraîcheur et la chaleur manquent au coloris comme aussi la lumière, et nous jugeons que si cette scène tragique se fût passée dans un site verdoyant et inondé de soleil, il en serait résulté un contraste heureux. {A suivre.) E. J U M E L .