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L'EXPOSITION DE 1879 219 nés ventrus, joufflus et à la face rubiconde. Le clergé sé- culier semble faire défaut, car il n'est représenté que par un jeune abbé, le protégé de Monseigneur, un cher enfant qui ira loin. Le tout pour nous dire que Monseigneur est ultra- montain. Quoi qu'il en soit, tous les personnages de M. Frappa sont étudiés, très-étudiés môme, car en eux tout est calculé en vue de l'effet scénique, mais ils ne sont pas pris sur le vif. On sent la recherche du comique, et cette re- cherche est telle que le but est dépassé et que ce qui ne de- vrait être qu'une délicate satire est presque une charge. C'est fâcheux, et M. Frappa, s'il ne veut pas se laisser en- traîner sur cette pente fatale, devra étudier les œuvres d'Heilbuth, un Allemand qui, après avoir longtemps ha- bité Rome, vint à Paris pour se parfaire et exposa, il y a dix ou douze ans, une série de tableaux qui firent passer sous nos yeux ravis tout le monde romain d'alors, depuis le cardinal jusqu'au dernier valet de louage de la Ville-Eter- nelle. Or, tout ce monde-là vivait de sa vie propre, et mon- trait ses travers et ses ridicules sans que jamais la note fût forcée et que les limites d'une fine ironie fussent dépassées. Nous recommandons aussi à M. Frappa la lecture du roman bien connu d'Hector Malot, « Marié par les prêtres », et nous ne doutons pas qu'en s'appropriant la manière de faire et du peintre et du littérateur, il ne donne aux sujets qu'il pa- raît affectionner la vérité et la distinction qui lui ont un peu manqué jusqu'à présent. Le talent de M. Frappa est très- souple, du reste, et sa petite toile « Bouffonnerie, » avec sa grande cheminée du xve siècle, toute couverte de peintures et dont les landiers supportent des mets fumants, le prouve suffisamment ; son bouffon, tout de rouge habillé, qui en conte à une petite négresse vêtue de blanc, dans le but de lui ravir le poulet rôti qu'elle va porter sur la table de leur commune maîtresse, est très-drôle, et l'amateur qui possé-