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2i6 L'EXPOSITION DE 1879 En revanche, ce délicat, ce fini, ce propre que nous re- prochons aux saltimbanques de M. Sicard, ne messied pas, à notre avis, aux « Emigrants alsaciens », du même artiste. C'est un père, homme de 40 à 45 ans, qui emmène à Belfort ou à Nancy ce qui lui reste des siens, une fille de 18 à 20 ans et un garçonnet de 5 à 6 ans ; la mère est morte de chagrin envoyant sa maison pillée et brûlée par l'ennemi. Donc l'homme est parti malgré la neige qui couvre les rou- tes ; il est à pied et, dans une petite voiture couverte d'une toile et traînée par un petit âne vigoureux, sommeille la jeune fille sur les genoux de laquelle dort l'enfant chaude- ment enveloppé. Le père se retourne pour contempler le groupe charmant qui se détache, frais et rose, dans la pé- nombre de la toile, et, pour un instant, il oublie les soucis et les fatigues du voyage. Quant à l'âne, il est ravissant de bonhomie et d'entrain, et c'est plaisir de le voir trottiner, regardant tantôt son maître, tantôt le loulou, son ami, qui aboie joyeusement à ses côtés. Certainement, les premiers plans pourraient être plus accusés, mieux traités, que cela ne nuirait pas, mais que sert de critiquer les parties faibles d'une œuvre dont le charme pénétrant émeut profondé- ment et qui est, sans contredit, l'une des plus attrayantes de l'Exposition. Presque à côté des Emigrants alsaciens, nous trouvons un des tableaux exposés cette année par un artiste avec lequel M. Sicard a, selon nous, plus d'une affinité. Cet artiste, au dessin correct, à la peinture soignée, au goût distingué, c'est M. de la Brély, et le tableau en question c'est celui dé- signé sous ce titre : « Préludes d'amour. » Un jeune homme et une jeune fille s'exercent à tirer de l'arc; le jeune hom- me, vêtu de noir par extraordinaire et moins élégant que ne le sont d'habitude les jeunes premiers du peintre, donne une leçon à la jeune fille dont la robe, d'un rose très-pâle,