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126                    PIERRE ET JEANNETTE

 amélioration dans la santé de Jeannette. Au contraire, le
 mal empirait; le caractère de la jeune fille s'aigrissait;
 Pierre remarquait que le contact des aliénées et les sévérités
 des surveillantes avaient une influence funeste sur son
esprit, il me faisait part de ses observations, de ses inquié-
tudes, et me demandait mes conseils.
   Je savais bien que les maisons ordinaires d'aliénés gué-
rissent peu de ces malheureux ; ils y sont bien soignés,
traités avec savoir et habileté, mais ce régime de collège et
de cloître a des effets peu favorables sur leur santé. C'est
au milieu de la nature, c'est dans la paix et le travail des
champs, qu'il y a le plus de chances d'amélioration pour
ces êtres si dignes de pitié.
   Je conseillai aux parents de Jeannette et à Pierre de ren-
dre la pauvre enfant aux occupations de la campagne, mais
dans des conditions particulières que n'offrait pas notre
hameau. Il fallait la direction d'un médecin accoutumé à
traiter tes maladies mentales, une certaine méthode dans
la distribution des travaux et des distractions, une étude
attentive des moyens progressifs de guérison.
   Je ne voyais pas dans notre département, ni même en
France, d'établissement qui répondît à mes vues, mais
j'avais entendu parler de la colonie de Gheel, en Belgique,
où des aliénés, en grand nombre, avaient obtenu leur gué-
rison, après avoir joui d'une douce existence champêtre,
unie aux soins lés plus vigilants. Je savais que le prix était
très-modeste, trois cents francs, quatre cents francs, quand
on se contentait, pour les pensionnaires, de la nourriture et
du logement des simples paysans; j'avais lu des relations
très - intéressantes de cures remarquables obtenues dans
cette oasis perdue au milieu des landes de la Campine ( i ) .


  (i) Voir l'excellent ouvrage sur Gheel, par Jules Duval.