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ou L'ÉCOLE DES PAYSANS 57 peu notre paysan se dépouillait des airs gauches qui avaient d'abord alarmé Madame Richemont ; et, sans perdre en rien de ses bons sentiments, il acquérait plus d'aisance dans son maintien, plus de propreté dans ses habitudes, plus de confortable dans ses vêtements, et il avait particu- lièrement remplacé par une gentille casquette le lourd et peu gracieux bonnet du village. Il ne faut pas renoncer aux vieilles modes de son pays quand elles sont bonnes et com- modes; mais on ne peut qu'approuver l'adoption de nou- veaux costumes qui ont plus d'aisance et de légèreté. Tout allait bien. Je donnais de temps en temps aux pa- rents de mon fidèle serviteur des nouvelles de leur fils, et des détails sur les services qu'il nous rendait. Mais combien il aurait voulu écrire lui-même au village ! Malheureuse- ment il ne savait ni lire ni écrire. Il comprenait toute la honte de cette ignorance, toutes les privations cruelles qu'elle lui imposait ; je voyais bien qu'il aurait vivement désiré adresser des lettres à sa chère Jeannette, sans avoir recours à ma plume ; il me demanda donc d'aller aux cours d'adultes du soir quand l'enfant se- rait endormi ; j'y consentis parfaitement, et même je l'y encourageai ; je fis plus, je répétai ces cours; je donnai des leçons de lecture, d'écriture et de calcul, et au bout de deux mois notre élève était capable de lire assez couramment, de faire une petite lettre et d'inscrire sur un livre de comp- tes les dépenses qu'il faisait pour la maison comme cuisi- nier ; car son activité et sa bonne volonté suppléaient à tout ; notre modique fortune ne nous permettait pas d'avoir deux domestiques ; il s'était offert d'aider ma femme dans ses travaux culinaires, et il y montrait une aptitude, un goût tout particuliers.