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46 NOTICE SUR HUGUES BERTHIN La brochure La Terre et l'Impôt témoigne ouvertement de ces sentiments, et l'on en trouve l'application dans les circulaires qu'il distribua au moment des élections. Il dut céder la place au sénateur Pétetin dont la candidature, peut-être moins utile au pays, était à coup sûr plus agréable à la préfecture de l'Isère. Peu soucieux d'honneurs et de politique, cet insuccès le laissa froid ; il continua sa vie heureuse et paisible, travaillant un peu, songeant beau- coup, et passant de la plume à l'ébauchoir ou au crayon. Le coup de foudre de 1870 le fit tressauter. Tout s'effondrait. Hugues, comme tant d'autres, voulut partir à la défense du pays. Eolde vint le trouver à Grenoble sur ces entrefaites, et lui annonça qu'il venait de s'engager dans les mobiles de l'Isère. Les deux frères désiraient par- tager le même sort, mais des conseils sages et pleins d'autorité s'interposèrent. Ils durent y céder. On décida qu'Eolde partirait seul, Hugues attendrait simplement son heure. Cette séparation, la première dans leur vie, fut cruelle. Emporté dans le tourbillon des aventures des armées de la Loire et de l'Est, Eolde s'en aperçut peut- être moins ; mais son frère, resté à Grenoble, la plupart du temps sans nouvelles, écœuré par les insanités dont cette ville fut le théâtre, eut de pénibles et durs moments à passer. Il écrivait au commencement de décembre 1870 : « . . . Il pleuvait... Sur la place Grenette défilait, se rendant à la gare, la première ambulance grenobloise. Un piquet de gardes nationaux formait cortège ; puis venait un colossal fourgon ; derrière, marchant dans la boue, le personnel : le major, ses aides, les infirmiers, l'aumônier, tous avec le brassard blanc où une croix semble avoir été tracée avec du sang. « Pourquoi, en les voyant passer, mes yeux se remplirent-