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            LE THEATRE A LYON AU XVIIIe SIECLE                  17
comme d'infortunées victimes ( i ) . A la représentation, la
pièce eut le plus grand succès ; mais le prévôt des mar-
chands fut obligé d'en arrêter le cours, en présence des
clameurs que soulevèrent certains passages (2).
   Une autre première, qui n'excita que de l'enthousiasme,
ce fut celle de Pygmalion, de J.-J. Rousseau et de notre
compatriote Horace Coignet. Avant d'y arriver, il ne sera
pas sans intérêt de rappeler dans quelles circonstances
cet opéra fut composé : cela se rattache encore à l'histoire
de Lyon.
   Rousseau était déjà venu quatre fois dans notre ville (3).
On se souvient que, jeune et encore inconnu, le futur
philosophe passa une nuit à la belle étoile sur la berge
droite du Rhône, aux Etroits. Il est impossible d'oublier
les pages délicieuses qu'il a écrites sur cet incident de son
existence pauvre et aventureuse.
   C'est à l'autre versant de la vie que nous le retrouvons.
Il avait cinquante-sept ans ; la sauvagerie de son caractère
s'était accentuée, et l'approche de la vieillesse l'avait rendu
misanthrope. Il vivait loin des villes ; il parcourait les
montagnes de la Suisse et du Dauphiné, herborisant,
botanisant ; cette étude était devenue une passion récon-
fortante qui rajeunissait son âme usée. La musique n'avait
pas cessé non plus de l'occuper : il achevait le poème de
Pygmalion, lorsqu'il vint à Lyon à la fin du mois de
mars 1770.
    Rousseau se logea dans une chambre garnie de la maison de


  (1) Vingt ans plus tard, Camille Desmoulins acclama la Révolution
comme une délivrance pour les couvents.
  (2) Mêm. secrets, Bach, il juin 1768.
  (3) En 1731, en 1732, en 1740, et en 1768.
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