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FABLES 307
valent-ils pas toutes les jouissances que peuvent donner
la grande fortune ou l'ambition satisfaite?
Dans cet ordre d'idées et pour faire connaître la
manière de M. Bourguin, nous citerons le prologue de
son cinquième livre de fables.
LE DÉCLIN DE LA VIE.
Déjà , jusqu'au sommet, j'ai gravi la colline
Et voici, devant moi, le côté qui s'incline ;
Doux soleil du printemps, bois sombres, frais ruisseaux
Grands arbres du chemin, tous pleins de nids d'oiseaux,
Souffles capricieux, dont les tièdes haleines
Courbaient et relevaient les blonds épis des plaines,
Moelleux tapis des prés, frênes, brillantes fleurs,
Flots écumants, rayons, chants, parfums et couleurs,
Mes yeux indifférents en mon âme distraite
Dans les sentiers nouveaux qu'à fouler je m'apprête
Ne vont-ils plus sur vous s'arrêter désormais ?
Deviendrais-je infidèle à tout ce que j'aimais ?
Vais-j,e enfin t'adorer, veau d'or, toi que naguère
Je méprisais, dieu vil des natures vulgaires 1
Non, non, gardez pour moi votre charme vainqueur,
Beautés de la nature et sentiments du cœur :
Qu'Ã l'aspect d'une fleur, d'un enfant, d'une femme
Toujours un chant de joie éclate dans mon âme.
Près du pauvre blessé, gisant dans ce chem n
. Que je ne passe pas, sans lui tendre la main,
Que le rayon divin de ta lampe, ô Sagesse^
Eclaire doucement le soir de ma vieillesse !
Puissé-je, enfin, gardant ma foijusqu'au tombeau,
Croire toujours au bien, croire toujours au beau.
Cette pièce nous semble belle et de nature à donner
une idée bien juste du poète qui l'a écrite.
ALEXIS ROUSSET.