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                JOURNAL DES NOUVELLES DE PARIS                      277

    Je veux vous parler d'Alzire, tragédie de Voltaire, qui
 est aujourd'hui l'objet des plaisirs et des applaudissements
de tout Paris. Que de sensations agréables, de violents
transports et de doux éblouissements on y éprouve (1).
Le cinquième acte est le plus beau et le plus pathétique
sermon sur le pardon des ennemis qu'on puisse entendre :
il paraît pourtant que Voltaire a eu en vue de faire dans
la pièce un contraste de la religion chrétienne avec l'ido-
lâtrie et la loi naturelle. Alvarès est le modèle de la plus
éminente vertu où notre religion puisse élever un homme :
la mort de Guzman, la soumission à la Providence, et le
généreux pardon qu'il accorde à sa femme et à son rival,
présentent aussi la religion par son plus bel endroit : le
vrai Dieu est le héros de la pièce, elle est le théâtre de la
Providence et le triomphe de sa grâce.
   Voltaire a fait ces quatre vers sur la Gossin qui joue le
rôle à'Alzire :
          Ce n'est pas moi qu'on applaudit,
          C'est vous qu'on aime et qu'on admire,
          Et vous damnez, gentille Alzire,
          Tous ceux que Guzman convertit.
   J'ai trouvé l'Opéra en assez mauvais état, à la danse
près qui est plus parfaite que jamais ; s'il était permis
d'oublier Camargo, Mariette étonne tous les jours par de
nombreux progrès et elle fait autant de plaisir dans le
Tambourin de la Provençale que jamais danseuse en ait fait
à l'Opéra.

   (1) Le Franc prétendit que Voltaire lui avait volé Alzire, en racon-
tant qu'il luiavait prêté son manuscrit pour avoir son avis. Voltaire
au contraire soutenait que Le Franc, prévenu par un tiers de son
œuvre, s'était hâté de bâtir sur son fonds. « Je ne doute pas, ajoutait-
il,qu'il n'ait mieux réussi que moi, il est plus jeune et plus heureux.»
La pièce eut un succès inaccoutumé : elle fut jouée vingt fois de suite
et rapporta 23,640 livres.
   La tragédie de" Le Franc, intitulée Zoraïcle, ne fut pas représentée