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134 UNE FEMME MURÉE
paraissait distraite et préoccupée ; toutefois un grand
attrait était répandu sur toute sa personne. On aurait
dit cette timide enfant de la famille des sensitives, telle-
ment elle rougissait et pâlissait, au moindre contact. On
-voyait qu'elle avait besoin d'appui, de protection, et ses
beaux yeux bleus, d'un bien d'azur, semblaient la de-
mander. Le plus léger souffle de l'aquilon devait briser
cette plante fragile. Gabrielle à sa vue sentit un entraî-
nement puissant, une sympathie tendre et douloureuse.
Hélas ! il y a des pressentiments : Gabrielle y croyait ;
ils sont la superstition des âmes tendres. Ayant deman-
dé le nom de la jeune fille, elle apprit qu'elle s'appelait
Emma de Lausac, que son père était le seigneur de la
Roche. Elle était sa plus jeune fille, ses frères étaient
capitaines, ses sœurs mariées et son frère jumeau, qu'elle
aimait plus que tous les membres de sa famille, faisait
ses premières armes, à Malte, et la consolait de la mort
de sa mère.
Gabrielle se rapprocha de la fille du seigneur de la
Roche, lui parla de choses indifférentes d'abord, puis
de sa famille, du vieux manoir de ses pères. Emma ré-
pondit à ces gracieuses avances, parla de sa mère avec
amour, de son frère Roger qu'elle aimait comme un au-
tre elle-même, avec enthousiasme.
Ce soir là , on dansa à la cour; Gabrielle aimait beau-
coup ce gracieux exercice, et fut bientôt recherchée par
les meilleurs danseurs. Emma refusa toutes les invita-
tions, et Gabrielle, la voyant triste et silencieuse, reprit
sa place auprès d'elle, et tâcha de la distraire par sa
conversation.
Le lendemain la jeune châtelaine de Gramont partit
pour Hautecombe, nécropole des comtes de Savoie, vas-
te abbaye sur les bords du lac du Bourget. Son père