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LE SERGENT MODAS 73? L'ennemi s'était attendu à l'attaque: le canontonn&bîent tôt des deux côtés et' réveille les échos ' des; montagnes ; les sapins atteints par les boulets tombent avec fracas. Sous les mains des montagnards, d'énormes blocs de ro- chers vont balayer la route, renversant chevaux et cava- liers. Modas fait partout retentir sa voix, excitant ses braves. Mais les canons français n'ont guère de muni- tions ; au bout d'une demi-heure il faut cesser le feu, car le nombre l'emporte. « Encore une dôcharg-e, mes braves, et à la baïonnette ! » cria le commandant. — «À la baïonnette'. » crie à son toui* Modas, et', sortant des sa- pins, descendant des rochers, les Bugistes s? élancent contre les dragons qui veulent forcer le défilé. Pour le montagnard, la baïonnette, c'est la< hache, c'est la faux, c'est la fourche en fer. Pendant longtemps ils résistent: des chevaux affolés entraînent leurs cavaliers sur la glace qui se rompt sous leur poids et leur donne une tombe glacée, Modas frappe à grands coups, sa baïonnette est rouge : quatre dragons déjà sont morts de sa main. Mais c'est l'officier qu'il voudrait atteindre: il s'élance, bran- dissant son fusil comme une massue, quand un coup de sabre sur le crâne le renverse sans connaissance. Quand il rouvrit les yeux, on lui mettait une gourde entra les lèvres: c'était son voisin Pichon, le bûcheron. Autour de lui gisait sur la neige maint Autrichien à l'uni- forme blanc taché de sang. La nuit commençait à , tom- ber, et dans les airs des corbeaux tournoyaient en croas- sant ; il les suivit un moment des yeux, puis, le sang lui montant au cerveau, il retomba. Quand il se réveilla, il était couché dans sa chaumière. Au chevet, sa vieille mère, deux grosses larmes dans les yeux, égrenait son chapelet. Il avait eu la fièvre, on avait craint pour lui ; M. le médecin, appelé de Nantua, avait mis un bandage et ordonné une potion : le danger