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62 DE ROANNE A LA PRUNNK valet) et maintenant Saint-Priest, la dernière commune et paroisse des Ségusiaves de ce côté, et des Arvernes, voisins mais non amis ; charbonniers et scieurs sont là chez eux en pleine forêt. Chez les scieurs, l'homme crie, la femme crie, l'enfant crie! la scie grince des dents, l'eau mugit. Le Sétou est maître chez lui ; point de noise ou de contradiction ! au- trement il vous jettera sur la Séte ni plus ni moins qu'un sapin ; rude pays, rudes gens que là vie isolée des gran- des forêts, l'âpre travail coupé de courses lointaines pour vendre les planches, fait hardis, farouches et prompts ; vieux Gaulois, de sève et de sang ! Chaque bief chaque rigole a sa scierie; et devant chaque hameau, les voliges, les bennes, les bacholes s'entassent au soleil, pour les foires des plaines. J'ai vu les petits pâtres se fabriquer en bois de verne de petits chars, rêvant déjà des voyages des scieurs : on coupe une rame fourchue, raidie par un bâton, voilà le banc et le timon, deux brindilles s'arrondissent en ailerons,ce sont les encrimes, deux autres demies courbes figurent les roues, et l'on charge des écorces de sapin, tant pointu qu'on peut ; c'est le char antique, primitif, c'est la binna gauloise. Le grand char a des roues brutes non ferrées de bois de fayard, un essieu de bois, l'avant train fait d'un arbre fendu est le mènechin ; l'arrière train s'en va bien loin à quinze pas derrière, rejoint parles paquets de douzai- nes de planches et voliges qui plient sous leurs liens de branches tordues. Cela part au milieu de la nuit, avec rumeur; cela hurle, lamente, glapit, rugit; le diable a • graissé le chariot; on se demande quel enrhumé tousse dans la montagne. Le Sétou lui chante, jure, blasphème, hêle le charbonnier dans sa hutte, rit et pique ses petits bœufs nerveux, cahin, cahas ! Il arrivera au soleil cou-