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460 HISTOIRE D*UNE PENDULE frayer ; mais maintenant il était trop tard pour revenir sur ce qui s'était passé ; jamais ces brigands là n'auraient rendu leur proie ; une proie à , laquelle tout le monde sait qu'ils attachaient tant de prix, et quelle somme eût pu me dédommager ? Et puis si l'on sacrifie un objet auquel on tient pour faire une bonne action, on ne le céderait pour quelque somme que ce fût. Donc il était trop tard. Jeanne Lirchu, toujours toussant, toujours blême et faible, vint le lendemain à la boutique pour me remercier de nouveau : mais avec son air obséquieux et embarrassé elle m'ennuya encore plus que de coutume. Je ne pouvais m'empêcher de penser que si elle avait mis son fils dans une maison de correction, ainsi qu'on le lui avait souvent proposé, puisqu'elle ne savait pas l'élever, il aurait fait un meilleur sujet. Les jours suivants, elle ne revint pas et. je pensais à aller chez elle pour voir si elle ne manquait pas de pain, lorsque j'appris, par une cliente,que Pierre avait acheté chez le boucher et chez le charcutier un assez bon nombre de provisions ; la brave épicière, qui me faisait concurrence, lui avait môme remis, sur sa demande, une demi-livre de biscuits et quel- ques autres friandises qu'il avait portées à sa mère. Le tout avait été payé comptant. Ceci me parut louche et je renvoyai ma visite à plus tard. Trois jours se passèrent, et je ne vis ni Pierre, ni sa mère. Le quatrième jour, à la tombée de la nuit, ma voisine entra chez moi comme un tourbillon — La mère Lirchu va mourir, me dit-elle, courez~y. Ce diable de Pierre n'y a pas mis les pieds depuis trois jours au moins ! Je fermai ma boutique à la hâte, sentant bien que si Jeanne était mourante je ne rentrerais pas de sitôt et ' je volai chez elle. Je la trouvai assise sur une mauvaise