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392 « Le jeune homme entra comme je sortais. — T'ai-je fait du bien? dit alors Abderrhaman à ce jeune homme d'environ vingt-quatre ans. Raconte quel service je t'ai rendu. « Avec une voix et un air profondément convaincu et avec des gestes saccadés, ce jeune homme me dit : — Il y a trois semaines, j'étais comme mort, plus rien ne fonctionnait chez moi, je ne pouvais plus parler. Je dois la vie à M. Abderrhaman, je jure que je lui dois la vie ! « Le regard d'Abderrhaman s'illumina de fierté et de bonheur devant cette déclaration. — Parle de moi, maintenant, me dit-il; porte-toi bien, et viens me voir, tu me feras plaisir. « Que penser de cet homme ? « Il a auprès de lui un concours énorme de malades. Sa renommée passe les mers. On l'embrasse avec effu- sion, avec larmes. On lui apporte des cierges ! Il est des 'gens qui se feraient hacher pour lui, gens, il faut le reconnaître, qui croient peut-être à la jettatura, mais qui ne sont pas* les seuls ; il y a des gens instruits qui témoignent en sa faveur. Puis, en face, toute la méde- cine d'Alger, qui le traite de charlatan, le traîne sur la sellette de la police correctionnelle en 1855, l'y ramène encore deux fois en 1872, mais sans jamais pouoir obtenir sa condamnation,. Au sortir du prétoire, Abderr- haman fut presque porté en triomphe parles malades venus pour témoigner des miracles qu'il avait fais. « A cette heure, on poserait ici la question : Le mé- decin maure fait-il ou ne fait-il pas des miracles ? qu'on trouverait pas mal de gens pour dire non, mais qu'on en trouverait peut-être davantage pour dire oui . . . » M. Henri Dumont touche avec un intérêt soutenu à un grand nombre de sujets, et sur chacun d'eux il trouve des idées ingénieuses. Il traite de la musique arabe, des beaux-arts chez les musulmans, des chevaux, de la littérature; il feuillette même le coran pour y trouver de la poésie ou des lois. Les stations hivernales de Mustapha et de Saint-Eu- gène, la Trappe de Staouëli, Blidah, Bouffarik fournis- sent à sa plume colorée des pages pleines de lumière et de soleil. Et, revenant à Alger, c'est du jardin Ma- rengo, rempli de fleurs, d'orangers, de roses-thé, domi-