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AtGER 391 Averroès, tu sais Avicennes... Souviens-toi. C'est cette médecine que j'exerce. — Diifère-t-elle beaucoup de la médecine des Euro- péens ? As-tu lu un livre intitulé : Trois mois d'hiver à A Iger, par un médecin phthisique ?t On y parle de toi. — Qu'est-ce qu'on dit de moi ? — Comme c'est un médecin qui parle, il' n'est peut- être pas très-bienveillant pour toi. — Je vois ce que tu veux dire. Qui a écrit cela ? Pourquoi cet homme ne vient-il pisicime le dire à moi ? Pourquoi n'est-il pas juste ? Oui, il y a de la différence entre la médecine française et la médecine arabe. Vous êtes chimistes, vous êtes chirurgiens ; nous ne sommes pas chimistes, nous ne sommes pas chirurgiens ; mais médecins, nous le sommes autant que les médecins fran- çais. Ecoute, je vais te dire : Il n'y a pas entre la mé- decine française et la médecine arabe autant de différence qu'on pourrait le croire, et puis je vais te dire en confi- dence : Chez vous, comme chez nous, la médecine fait peu de progrès. Chez vous, l'on emploie plus volontiers les minéraux, chez nous plus volontiers les végétaux. C'est avec les herbes qui croissent là sur ma montagne que je fais de la médecine. As-tu remarqué l'ordre de la nature ? l'animal mange le végétal, le végétal mange le minéral. Tu vois les trois degrés. Pourquoi sauter un degré de la nature ? Penses-tu, d'ailleurs, qu'avant les Français nous ne savions pas venir au monde, vivre et mourir, en nous contentant delà médecine des Maures? Il y a aussi quelque chose qui sert dans le diagnostic des malades, c'est la figure du malade ; vous n'en tenez pas assez de compte et vous n'êtes pas exercés à en tirer parti, — Le docteur X . . . dit dans son livre que tu es un marabout ! qu'est-ce qu'un marabout ? — Oh ! marabout ! reprit Abderrhaman en riant à cœur joie, marabout! c'est un philosophe, un homme de bien ; Dieu seul sait qui d'entre nous est marabout. Marabout ! chacun devrait faire son possible pour l'être. Il m'appelle peut-être marabout parce que s'il vient un malade qui soit pauvre, je refuse son argent, je lui dis de venir plus souvent que les autres . . . Veux-tu savoir, maintenant, si je guéris les malades? Parle, me dit-il, à ce jeune homme qui va entrer après toi.