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390                      ALGER

   — Non.
   — Que me veux-tu alors ?
   — Je ne suis pas malade, je viens te voir pour une
autre affaire ; nous en parlerons quand tu auras fini avec
tes malades.
   — C'est bien, c'est très-bien !
   — Ces enfants sont-ils à toi ? lui dis-je.
   — Tous à moi, mon ami, j'en ai douze, enfants ou
petits-enfants ; j'en ai eu quatorze de la même femme.
Je suis marié depuis l'âge de dix-sept ans, j'en ai qua-
 rante-quatre. A tout à l'heure.
   « Les malades attendaient, il se mit à les recevoir.
   « J'entendis alors les choses les plus curieuses.
   « Une Espagnole m'affirma que son enfant était de-
venu noir comme du charbon, mais que le médecin maure
l'avait sauvé trois fois rien qu'en le regardant et en lui
donnant un peu d'une eau préparée à sa façon.
   « Puis, je vis sortir de la loge d'Abderrhaman toute
une famille juive qui pleurait de reconnaissance ; les
femmes, une fois sorties, rentrèrent pour baiser les
mains du médecin maure, et le juif à cheveux blancs se
confondit en remerciant et mettant la main sur son
cœur, chapeau bas, et disant: « Adieu, adieu, monsieur
Abderrhaman ! »
   Je vois monter des Juifs, des Espagnols, des Français ;
je pensai que la faiblesse d'esprit et de tempérament
était peut-être pour quelque chose dans ce nombreux
concours de malades,
   « Mais voici deux gendarmes qui, eux aussi, ont con-
fiance au médecin maure.
 »
   « J'entrai enfin à mon tour.
   — Je viens te voir, dis-je à Abderrhaman, parce que
je veux écrire quelques pages sur Alger, et naturelle-
 ment je veux parler de toi.
   — C'est bien, c'est très-bien !
   — Veux-tu me donner des renseignements sur la mé-
 decine arabe ?
   —r- Volontiers. Tu écoutes : La médecine arabe se
transmet chez nous par la tradition ; nous avons des
livres et les pères apprennent aux fils. Au temps Cas
Maures d'Espagne, cette médecine fut renommée. Tu sais