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1tO               LE TÈNEMENT DE THUNES

   Avant de terminer notre travail, il nous reste à dire
un mot sur la locution populaire de luner ou faire tune,
dans le sens de se divertir, de manger, de boire à
l'excès, en un mot de se mettre en goguette, de go-
dailler.
   Cette locution n'est point d'origine lyonnaise et ne
saurait, contrairement à nos chroniqueurs, se référer au
cabaret du tènement de Thunes. Dans les autres pro-
vinces, on la signale comme en usage chez les ouvriers
et dans le langage familier. Tuner est très-ancien. Du-
cange nous l'a conservé sous la forme de tunnare, m
tunnam, tonna. On verse du vin dans une tonne, on la
remplit, c'est-à-dire on entonne à l'aide d'un entonnoir.
Et, par une pente naturelle, le verbe entonner est ap-
pliqué à l'action d'un homme qui boit à outrance : il
 tune, il fait tune, c'est un vrai entonnoir
   A une époque qui ne doit pas être antérieure au mi-
lieu du xve siècle, on voit paraître le mot de tunes avec
l'acception de mendiant, de vagabond. Ce mot, hâtons-
nous de le dire, n'a aucun rapport étymologique avec
ceux énumérés ci-dessus ; il concorde avec l'arrivée en
 nos pays de ces hordes de nomades connus en Europe
 sous différents noms, gitano, zingari, gypsie, etc.. et
 qu'en France on appelait bohémiens. Qui ne se souvient
 du fameux roi de Thunes ou Tunes, ce chef de tous les
 malandrins de la cour des Miracles, de tous les gueux,
 de tous les truands, effroi de nos villes et de nos campa-
 gnes au moyen-âge ?
   Ces bandes de bohémiens obéissaient à des chefs qui
 portaient les titres de duc d'Egypte, de prince de Galilée,
 de comte de Syrie, de roi de Tunis; pompeuses qualifi-
 cations rappelant le nom des contrées d'où ces bandes
 étaient originaires. Le roi de Tunis ou de Tunes était