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60 L'ESTÉRKL milieu de cirques successifs formés pâ*r les montagnes et les amas de porphyre rouge qui nous entourent. Tous offrent d'étranges formes ; nous y reconnaissons le lion de saint Marc, dont la patte levée se repose sur l'Évangile ; une pointe de rocher forme même la langue. A côté figu- rent: un vieux grognard de l'empire avec son bonnet à poil, orné d'un plumet qui n'est autre qu'un sapin; un tau- reau furieux, un crocodile, avec ses dents et une langue d'ardoise, un immense monstre dont une caverne forme la gueule et cent autres masses de granit et de porphyre qui changent de forme à mesure que nous descendons dans l'abîme. A tous les tournants de sentiers, nouveaux cirques, nouvelles visions de fantômes de pierre. Je ne trouve qu'une expression un peu triviale qui puisse rendre ma pensée pour donner une idée de ce chaos : c'est une mul- titude d'aiguilles de porphyre qui ont giclé (1) du sein de la terre en ébullition et ont produit cette immense salade: Au milieu de ce dédale, une aiguille de plus de 50 mètres de haut, tout à fait verticale, surgit comme un obélisque et ne semble accessible à aucun végétal. Cependant elle est surmontée par un immense pin se dressant comme un mât de perroquet. L'orientation de ces rochers est venue encore ajouter à l'effet pittoresque de leur couleur. Naturellement rouges de feu comme le porphyre dont ils sont composés, ils ont pris des teintes qui varient selon leur position. Ceux qui regardent le midi ont conservé cette couleur ignée native qui a quelque chose de féroce. Ceux orientés au nord et même à l'ouest sont verts et couverts de mousse ; d'au- (1) Vieux mot français, banni bien à tort de notre langue, car il n'a pas son équivalent.