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144 MON AMI GABRIEL Le soir, en entrant dans sa chambre, il trouva une lettre sur la table. Il la lut anxieusement : « Monsieur et ami, « Lorque nous nous sommes quittés l'autre jour, nous « ignorions l'un et l'autre que nous nous disions un «' adieu définitif. Le baron Heuffzel a voulu se souvenir « de ma chétive existence. Mon mari m'emmène, je pars « aujourd'hui même. Où me conduira-t-il ? Je ne sais. « Vous qui avez été si généreux pour moi, recevez « mes remerciements. Il me reste peu de mois à vivre ; a mais ma reconnaissance envers vous sera éternelle. « Peut-être ai-je été égoïste... J'étais si malheureuse !.. « Pardonnez-moi, si ma triste dépouille avait été pour « vous un sujet de trouble. Oubliez-moi, je vous en con- « jure ! Vousledirai-je ? Je crois que la ville s'est oc- « cupée de vos visites au chalet ; il faut aussi que je vous « en demande pardon ; me serais-je doutée, pauvre « lépreuse, que je serais un danger pour celui qui « aurait pitié de moi ? . . . « 'Adieu. NELLY DE SÉRONA » Les derniers coups de l'heure sonnaient à la pendule. Gabriel s'approcha de la fenêtre ouverte. La rue était déserte et silencieuse. Le substitut resta quelque temps absorbé dans ses pensées, II entendit toutes les horloges de la ville qui sonnaient l'heure avec des sons divers et il fut étonné qu'il y en eût un si grand nombre à Salins. Le lendemain, après un sommeil agité, il courut ré- solument auprès de M. Grésard. L'oncle Philibert écouta silencieusement les confidences de son cher enfant, et quand celui-ci eut achevé, il le prit dans ses bras et le pressa contre son cœur avec effusion.