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136 UN LYONNAIS A i/lLE DE LÉHEINS mon Dieu, grand saint Féréol, pardonnez leur blasphè- me ! Imaginez-vous que les os que votre marin a mis dans le coffre ne sont autres que ceux de Paganini ! -~ Paganinile violon? — Oui, Paganini, que l'on disait pos- sédé du diable. Jugez de notre ébahissement! Nous lui demandons quelques détails sur cette étrange histoire qu'il devait connaître. Volontiers, nous dit-il; ce soir après l'office, je vous raconterai toutes les phases de cette singulière aventure. Fidèle à sa promesse, voilà la narration qu'il nous fit de l'inhumation et de l'exhumation du grand violoniste'. Paganini, nous dit-il, était natif de Gênes ; il regagnait sa patrie, accompagné de son fils Achille et chargé de deux ou trois millions, que son archet avait fait tomber dans sa caisse Fatigué et exténué, il ne pouvait plus parler ; car il ne pouvait se faire comprendre qu'à l'aide d'Achillini, comme il l'appelait, auquel il communiquait sa parole tellement bas qu'il lui parlait tout à fait dans l'oreille. Ce fut dans cet état de délabrement qu'il fut forcé de s'arrêtera Nice où il mourut, le 27 mai 1840. Il y a donc 37 ans aujourd'hui. Sa réputation d'excentricité et de bizarrerie, son génie aidant, avait fait de lui un être surnaturel, à ce point que quelques-uns prétendaient que le diable s'était chan- gé en violon pour se faire caresser par Paganini. Le cler- gé italien, peut-être sous le prétexte que ce ne pouvait être que le diable en personne ou pour toute autre raison, influencé surtout par l'opinion publique, refusa nettement de l'inhumer, L'évêque en prononça l'interdiction formel- le. Il y eut recours à Rome, procès, enquête, contre-en- quête et pendant ce temps-là le corps du grand artiste gisait couché dans une des caves de l'hôpital de Nice. Le peuple racontait que toute la nuit ceux qui avaient l'impruden-