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84 POÉSIE Ils mordent avec rage, animent le combat; Martyrs du dévoûment, devenus insensibles, Ils sont ensanglantés, et rien ne les abat. Chaque coup de boutoir a fait ses décousures; Des dogues, des mâtins retombent expirants ; Leur corps, dénaturé par d'horribles blessures, Est une masse informe, aux membres pantelants. Ce carnage, ces cris, cette agonie affreuse Nous irritaient en vain, car l'animal forcé Se trouvait confondu dans la meute hargneuse Que nous pouvions atteindre, avant qu'il fût blessé. Enfin d'adroits tireurs gravissent une roche, Ils épaulent ensemble, et visent prudemment ; ' Bientôt le sanglier, par un bond, se rapproche, Et traduit sa douleur en un sourd grognement. Le tir a frappé juste et doublé sa colère ; Victime de nos coups, il cherche les traqueurs, Fait au milieu des chiens sa trace meurtrière Repasse le torrent, et fond sur des piqueurs. Il éventre un cheval qui s'abat, roule, expire, Foulant le cavalier sous son corps couvulsif ; L'homme a perdu ses sens, mais pourtant il respire, Malgré ce lourd fardeau qui le retient captif. Le sanglier le flaire, et sa gueule béante Menace le piqueur d'un suprême danger ; A ce moment cruel, éperdus d'épouvante, Nous déplorions un sort qu'on ne pouvait changer ! Soudain, prêt à mourir, un homme magnanime, Armé de son poignard, vole vers l'animal ; Le bonheur d'un bienfait l'encourage et l'anime ; La crainte a disparu de ce cœur libéral. D'un mouvement rapide il fait briller son arme ; Trois fois il a plongé le glaive immolateur ; Puis, le monstre abattu n'inspirant plus d'alarme, Ce héros s'approcha du malheureux chasseur.