page suivante »
446 SAWT-SAUVËUR dique avait été grattée et remplacée par une autre qui représentait trois pains. Le bruit s'en étant répandu hors du couvent, un vieux pauvre, qui avait été secouru par Jehan de Montmajour, déclara avoir vu en songe, la nuit précédente, une main enveloppée de lumière qui sculptait ces armoiries nouvelles. A ce récit, les relig'ieux cessèrent leurs recherches et laissèrent subsister sur la tombele popu- laire et symbolique blason qu'un ang'e était venu y graver. C'est une belle chose et digne d'admiration que cette vaste et bienfaisante domination morale autrefois exercée par les abbayes et s'étendant sur la société civile pour la défendre, la fortifier et l'épurer. Il y aurait là d'éloquentes pages à écrire pour une plume habile et savante, et celui qui saurait comprendre et redire le langage de ces voix mystérieuses dont je parlais en commençant et qui vien- nent converser avec nous au coin de l'âtre, celui-là trou- verait dans les souvenirs apportés par ces voix un magni- fique plaidoyer en faveur des instituts religieux. Pour moi, monsieur le comte, dans la rafale qui, ce soir, bat les carreaux de ma fenêtre comme ferait de son aile un oiseau effrayé, dans les mugissements de la t e m - pête que d'ici j'entends passer sur la montagne déserte, il me semble saisir comme des cris d'ang-oisses et de v e n - geance, de déchirantes plaintes, de désespérés et doulou- reux appels. Ne serait-ce point les morts réveillés par l'orage, qui s'appellent dans la nuit, par une mutuelle et puissante incantation, pour combattre un envahissant en- nemi? N'est-ce point ce grand et formidable passé de gloire, de trépas et de vie qui lutte dans l'espace avec les forces du présent et celles de l'avenir? Qui pourrait dire à qui restera la victoire? Qui pourrait, au milieu des bruits de la lutte, distinguer un chant de triomphe? C e - pendant, voilà qu'une voix plus haute et plus douce do-