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410                 LA CUEKRE DU MORÉE

nuée de petits ennemis, le débarquement en Morée était
impraticable. Ibrahim-Pacha irrité rallia ses navires dans
la rade de Boutros et revint à Khodes où il fit reposer
ses équipages. Pour protéger cette ville, il y laissa Soli-
man—Bey et ses soldats, puis reprit la mer et revint à Can-
die. Pendant ces promenades sans but et sans motif,
un temps précieux s'écoulait, la guerre déchirait tou-
jours le Péloponèse et les Egyptiens ne pouvaient aller
porter secours aux villes qui les attendaient avec tant
d'ardeur.

   Heureusement que l'insubordination et la mutinerie
régnaient à bord de la flotte grecque avec autant d'intensité
que dans l'armée de terre et le gouvernement. Pendant
que lesavocats,les banquiers et les généraux se disputaient
les honneurs et le pouvoir, empêchaient l'organisation
régulière d'une administration centrale, et que les chefs
de corps, jaloux les uns des autres, contrecarraient leurs
opérations mutuelles afin d'empêcher un avantage dont
des rivaux détestés auraient pu profiter, les marins se
souvinrent que depuis longtemps ils n'avaient pas été
payés et ils déclarèrent unanimement à l'amiral qu'ils ne
tiendraient plus la mer à moins de recevoir leur solde
intégrale.

   Miaulis, indigné, leur parla vainement de patriotisme
et de la pénurie du trésor ; il leur montra en vain l'ennemi
aux portes de la Morée, rien n'y fit. La mort dans l'âme,
il ramena son escadre insubordonnée à Nauplie afin de
trouver de l'argent et de satisfaire ses matelots. Ce qu'il
avait prévu arriva. Ibrahim averti rappela immédiatement
de Rhodes Soliman-Bey et le sixième régiment, et, s'élan-
çant de la Canée avec ses vaisseaux, jeta l'ancre dans
le port de Modon resté, ainsi que Coron, entre les mains