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CHRONIQUE LOCALE Les vieilles gens n'ont pas tort de vanter leur jeunesse et de dire à tout propos et sur tous les tons : « De mon temps, ce n'était pas ainsi. » Et nous-même, nous voici à regretter le temps passé, ce beau temps où, parfois, on n'en était pas moins très-malheureux. Autrefois, au mois d'avril, comme la nature se mettait en fête l Gomme tout s'épanouissait dans les champs et les parterres ! comme tout bour- geonnait, fleurissait, s'élançait, demandant sa place au soleil!! C'était le petit Printemps qui faisait son entrée dans le monde, et au mois de mai. Quel splendeur dans la campagne ! quelle ombre au pied des arbres ! quelle ardeur dans le sang ! quelle sève partout ! Et comme on se promenait le long des buissons tleuris ! Aujourd'hui, voici ce que disaient les journaux du 16 avril : t La neige est tombée dans l'Allier, la Loire, le Puy-de-Dôme. De Glermont-Ferrand à Saint-Etienne le sol est tout blanc. Les montagnes du Maçonnais et du Beaujolais sont couvertes d'un linceul. Dans le Jura, la couche de neige a 40 centimètres d'épais- seur. A Londres, le thermomètre est descendu à 11 degrés au-dessous de zéro ! » Et savez-vous ce qu'où fait à Lyon, le 16 mai, nous disons bien, le 16 mai? Dans certaines familles, on ferme les portes, on consigne les étrangers, et on fait du feu ! Et l'on se moque de la Russie ! Est-ce que le monde vieillit aussi t et la période glacière nous mena- cerait-elle de nouveaux cataclysmes ? Caveant consules ! la position exige leur attention. — Et au moral, dans le c'œur, n'y aurait-il pas aussi un peu de refroi- dissement 1 N'est-ce pas deux ans après le départ des Prussiens, quand la France est encore en deuil, déchirée, mutilée, vaincue, qu'on vient offrir aux applaudissements des Lyonnais la musique de Wagner? Oui, à Lyon, le 6 mai, au concert de M Aimé Gros, un de ces hommes sans patrie, qui disent : « Qu'importe la Lorraine ? la recette nous suffit, > a joué la musique de l'ennemi mortel de la France, et a répondu par un bon mot banal, aux protestations des Français indignés. Et il a eu raison, 1 ami de la Prusse, la musique a été jouée jusqu'au bout. Etonnez-vous, après cela, que la neige tombe au mois de mai ... Et que les bataillons de la Mosulle ne gagnent plus de batailles. — Si nous n'avons plus de lauriers militaires, nous pouvons nous consoler avec les palmes académiques, s'il en reste après M. Mommsen et les autres de même farine. Car ce sont ces Messieurs qui ont les hon- neurs à Paris. Heureux Prussiens, ils triomphent partout où il se présen- tent. Pas de ville qui ne leur ouvre ses portes, pas d'Académie qui ne leur offre ses fauteuils. Cependant, après eux, M. Eugène Dumortier, aux derniers concours de la Sorbonne, vient d'obtenir une médaille d'or, pour ses savants travaux de paléontologie. L'éminent écrivain méritait bien cette haute récom- pense pour des labeurs qui ont usé sa vie et cruellement affaibli sa vue et sa santé. Autre médaille d'or pour M. Lortet, l'intrépide organisateur de notre Musée d'histoire naturelle. Son travail sur le Chromis pater familias, poisson qui habite le lac de Tibériade. a révélé les faits les plus curieux sur la tendresse paternelle de cet être, qui en revendrait non-seulement à plus d'une nourrice, mais à plus d'une mère. Ont été nommés officiers de l'Académie : MM. Chantre, sous-directeur au Muséum d'histoire naturelle, et Rey, membre de la Société linéenne. Plusieurs autres délégués de notre ville assistaient à cette réunion des Sociétés savantes a la Sorbonne, qui a eu lieu les 19, 20, 21 et 22 avril dernier.