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CHRONIQUE LOCALE — Ce qu'il y a eu de piquant ce mois-ci, c'est un vent du nord qui en plein avril nous a donné bourrasques, gelées et. neiges. On s en serait bien passé. On a dit adieu aux pêches, aux amandes et aux abricots; on s'est promis de mettre un peu plus d'eau dans son vin, un peu moins d'huile dans sa salade, et en fin de compte on a espéré que la compagnie P.-L.-M. nous apporterait d'Afrique et d'Espagne ce qui pourrait nous manquer, car, il faut être juste, on ne peut se priver du superflu. Bien entendu que nous passons sous silence les mûriers, arrachés d'ailleurs depuis longtemps, nos soies de Provence venant aujourd'hui du Japon. C'est pour répondre à ce besoin général de faire venir de loin ce que jadis on avait sous la main, que la compagnie P.-L.-M. jette des réseaux dans toutes les directions et double sa grande ligne du Midi. On va livrer le mois prochain au public le nouvel embranchement d'Alais au Pouzin, en attendant qu'on le continue jusqu'à Givors et Lyon. Le Rhône sera entre deux lignes ferrées qui, en lui prenant ce qui lui restait de sa pauvre navigation, le puniront de ses caprices et de ses irrégularités. La nouvelle ligne,entre le Pouzin et Alais, passe à travers les mon- tagnes les plus tourmentées du Languedoc. Ce sera un voyage pitto- resque pour le voyageur; les œuvres d'art qui y abondent : ponts sur les torrents, viaducs sur les vallées, rampes le long des précipices, souterrains à travers les roches granitiques, tranchées dans les cou- lées de basalte, font le plus grand honneur, dit-on, à l'ingénieur et charmeront le touriste que sa fortune conduira de ce côté. Plus près de nous, voici qu'on étudie une ligne destinée à relier directement Lyon à Chambéry. Une gare à Montluel desservirait l'embranchement du Dauphiné. Quant au chemin de fer de Nantua, il en est toujours à percer sa montagne de Berthian qui lui donne du fil à retordre. Pour utiliser ses déblais qui l'embarrassent, la compa- gnie Mangini demande à pousser jusqu'à Bellegarde. Paris communi- querait alors directement avec Genève sans passer par Ambérieu. Cette ligne serait d'autant plus fréquentée que les voyageurs ne descen- draient pas jusqu'à Mâcon, mais qu'ils trouveraient à Châlon une nouvelle voie qui se pousse avec activité en ce moment de Châlon à Bourg à travers les riches plaines de la Bresse. Vraiment, c'est une bonne partie que celle des chemins de fer ; de l'ingénieur au maçon, tout le monde est occupé. Jadis Lyon était renommé pour sa librairie, qui fournissait à toute l'Europe ses magnifiques éditions ; il est probable qu'aujourd'huiJean de Tournes, Horace Cardon, Gryphe et autres, mettraient leurs fils dans la trac- tion, le matériel ou le chauffage, et ils auraient bien raison. — Vendredi 7 avril, à trois heures précises, la vasque de la fontaine construite par l'architecte Crépet sur la place de Lyon,s'est effondrée avec grand bruit et les débris tombant dans le bassin inférieur ont fait jaillir l'eau à grande distance sur les promeneurs effarés. Voici encore un piédestal découronné, une place sans ornements, un socle, et c'est le quatrième, qui ne sert qu'à faire poser les oiseaux du ciel. Le cippe du parc de la Tète-d'Or attend, dit-on, le buste de Laurent de Jussieu, le plus célèbre de cette famille lyonnaise qui compte près de vingt écrivains; mais les places de Lyon, de l'Hôtel-de-Ville et de Perrache ne doivent pas rester éternellement veuves de leur indis-