page suivante »
302 TH1ERR1AT ans, enseigner annuellement et gratuitement le dessin et la peinture, dans sa classe particulière, à trois ou quatre élèves, fils d'ouvriers, qui n'avaient pas les moyens de payer ses leçons. Plusieurs sont devenus d'habiles peintres, d'autres d'excellents dessinateurs, de riches négociants ; quelques-uns existent encore et conservent de leur généreux maître un souvenir mêlé de respect et d'affection. J'ai dit qu'après la ruine de son commerce et la mort de son frère, la position de l'oncle n'était pas fortunée. Il avait jadis mené la vie à grandes guides et mangé la dot de sa belle-sœur et des enfants dont il était le tuteur. Cependant on portait quelquefois un rôti chez le bou- langer, et l'enfant était chargé de le rapporter, au sortir de l'école. Un soir qu'il revenait avec le rôti dans ses mains, l'imprudent s'arrête pour regarder une belle gra- vure de mode dans la montre d'un perruquier-coiffeur. C'était l'image d'une belle dame, costumée et coiffée au dernier goût du jour. Pendant que le jeune artiste en herbe admire cette image enluminée, il oublie le rôti qui glisse du plat et tombe dans une poignée de cheveux jetés par le perruquier sur le seuil de sa boutique. L'enfant, honteux de sa maladresse, ramasse lestement le rôti et rentre, la tête basse, sans rien dire- de l'accident. Le rôti figura sur la table, et le coupable qui n'avait pas faim, riait sous cape, en voyant son oncle porter, après chaque morceau, la main à ses lèvres pour en tirer quelque cheveu dont il constatait la présence, en maugréant contre le boulanger, qui reçut le lendemain une forte mercuriale, et faillit perdre la pratique de la maison. Telle fut la première faute que l'image d'une belle dame fit commettre à Thierriat. Philippe THIERRIAT, fils. A continuer.