page suivante »
TIHERRUT 295
de soieries, Bonirote, notre excellent professeur à l'Ecole
Saint-Pierre, mis trop tôt à la retraite, et Berger, remar-
quable peintre de fleurs lyonnais, le contemporain et
l'émule de Saint-Jean,
Elle s'appelait Françoise Tisseron, et Thierriat avait
conservé d'elle un souvenir d'affection si vif qu'une vie
de plus de quatre-vingts ans ne l'avait pas affaibli. Ce
souvenir, c'est un devoir pour moi de le conserver à mon
tour, car cette noble fille, chez qui la douceur, le dévou-
aient, le désintéressement, l'admirable bonté étaient une
seconde nature, a reporté sur moi l'affection qu'elle avait
pour mon père, lorsque, en 1822, je devins, à six ans, or-
phelin de ma mère
Sept ans après, j'entrais au collège de Lyon, et la pau-
vre Françoise, séparée de son cher enfant, dont le carac-
tère turbulent lui avait causé plus d'un chagrin, et n'ayant
plus personne à aimer sur la terre, languit tristement pen-
dant quelques mois et mourut. Ce fut un jeudi, jour de
sortie du collège. Il semblait qu'elle avait voulu m'atten-
dre. J'arrivai pour l'embrasser dans son lit; mais bientôt
sa vue se troubla, elle me confondit avec mon père en-
fant ; il vint à son appel, nous éloigna, la prit dans ses bras
pour la déposer, suivant son désir, dans son fauteuil, mais
elle rendit entre ses mains le dernier soupir.
Ces exemples de fidélité domestique deviennent rares,
et c'est un devoir pour mon père et pour moi de rappeler
quelques-uns des traits de la noble créature qui nous a
élevés.
A la fin de H93, Lyon, après un siège terrible, était
devenu Commune-affranchie. Thierriat avait à peine
cinq ans, mais il avait gardé de cette sinistre époque un
souvenir ineffaçable. Son père et son oncle, droguistes,
place de Carmes, avaient dû fuir. L'oncle, au moins, mé-