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162                              POÉSIE


                                THÉRÈSE.

      Le sort le moins heureux, la tâche la plus rude,
      Ou plaît, ou s'adoucit par la longue habitude.
      Nos mères, avant nous, ont gravi ces coteaux,
      Travaillé pour un maître et porté ces fardeaux.
      Elles gagnaient ainsi le pain de leurs familles.
      Les riches, après tout, nous font vivre, et leurs filles
      Donneraient, crois-le bien, pour un peu de santé,
      Ces parfums pénétrants qui nous ont tant coûté.
                               RAVELINA.

  Leurs filles? Eh ! vraiment, il en est d'assez fraîches.
  C'est plaisir de les voir passer dans leurs calèches.
  Leur corps par le travail n'est jamais déformé,
  Et partout où leur front se montre, il est aimé.
                                THÉRÈSE.

  Que veux-tu, mon enfant! ce sont des demoiselles,
  Mais Jésus-Christ est mort pour nous comme pour elles.
                                            (Passent des âniers.)
  Rangeons-nous. — Hé, de grâce, hé ! messieurs les âniers,
  Vous allez en passant faire choir nos paniers !
                               UN ANIER.

  Si vous tombez, la belle, on paiera le dommage.
                                RAVELINA.

  Leurs ânes, sur ma foi, sont faits à leur image,
  Ils m'ont presque heurtée.
                                THÉRÈSE.

                                Autrefois ces butors
  Auraient changé d'allure et confessé leurs torts ;
  Mais aujourd'hui, vraiment, ils sont d'une insolence!...
  Il faut quitter la place, ou garder le silence.
  Vieille, on craint leurs mépris ; jeune, on craint leurs regards ;
  Puis, veuve et sans famille, on trouve peu d'égards.
                               RAVELINA.

  Chaque âge a ses douleurs.