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SALLUSTE 331 dont ce cachot a élé le théâtre, il n'en est pas question. Qu'est devenu ce irait de courage de Cicéron, se rendant, à la tête du Sénat, aux lieux où les conjurés étaient détenus, et les conduisant lui-même, escorté des principaux citoyens ? Où est cette multitude frémissante dans laquelle fermentaient des passions si diverses? Où est ce fameux Fixerunt qui imposa silence aux espérances coupables, et ce retour triom- phal du consul a sa maison, aux cris répétés de père de la patrie, de second fondateur de Rome? Il faut recourir à Plutarque pour les retrouver. Le dénoûment de la guerre de Jugurtha est encore plus sec et plus tronqué. Salluste ne mène pas les événements jusqu'à Rome. Consequemment, il ne dit pas un mot, ni de la prison, ni de la fin tragique qu'y trouva le monarque numide.C'est encore a Plutarque qu'il faut avoir recours pour apprendre le triste abandon de Jugurtha, après qu'il eut suivi le char de son vainqueur, la brutalité des licteurs qui lui arrachèrent les oreilles pour en détacher les pendants, son dépouillement a nu, la folie du malheureux prince dans celte affreuse extrémité, l'éclat de rire stupide dont il accompagna ces mots : « 0 Jupiter,que les étuves sont froides! » Quand on le descendait au fond du noir cachot pour y mourir de faim. Tableau saisissant, s'il en fut jamais ! Que Salluste ait supprimé, dans Caiilina, les circons- tances du supplice de Lentulus, de Céthégus et des autres conjurés, on le conçoit peut-être. Il lui répugnait de tresser une couronne trop brillante a Cicéron, son ennemi. Mais ces scrupules, il ne les avait pas dans Jugurtha. Dira-t-on qu'il a eu honte de la conduite de Rome envers son illustre vaincu ? Ce ne serait pas vraisemblable : Salluste était trop romain pour éprouver une telle pudeur. Disons plutôt que Salluste ne comprend pas, comme Tacite, le côté dramatique