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S POÉSIE. LA ROSE VERTE Elle est trouvée enfin ! ô miracle ! ô prodige ! Vraiment, on peut la voir sur sa mesquine tige, Et je la possède en ce lieu ; La rose verte, hélas ! est une fleur des hommes ; Quels pauvres créateurs en fait de fleurs nous sommes ! Laissons ce doux art au bon Dieu ! -Eh ! peut-on bien donner le nom charmant de rose A ce je ne sais quoi, vulgaire et laide chose ! Mais quel serait donc l'amoureux Qui voudrait se parer de cette fleur chétive Pour l'offrir à sa belle, adorable et naïve ? Ce serait un don malheureux ! O toi, rose d'azur que l'on a tant rêvée, Reste donc, je t'en prie, ah ! reste inachevée Dans la main des horticulteurs, Si tu dois ressembler, pour le manque de grâce, A cette jeune horreur étalée à ta place, Sous le feu des regards moqueurs ! Puis, gardez vos grands mots, ô pédants botanistes, Qui voulez, à tout prix, singer les latinistes, En affublant de noms pompeux, Mais barbares et durs, mais longs et ridicules Ces chefs-d'œuvre légers, amours des libellules, Que vous feriez paraître affreux ! La fauvette ne voit, dans la rose églantine, Qu'un bijou, qu'un trésor, et rit, toute mutine, De la science à l'œil frondeur ; C'est si doux d'ignorer, de n'être que poète , Ou, si vous voulez mieux, de demeurer fauvette, Et bien loin du monde boudeur,