Revue du Lyonnais » série 3 - n°18 ( 1874 ) » pp.120

120                   ENTRES D'ANGE POLITIEN.

tiques, s'excusa de n'avoir pas été à sa rencontre, sur ce
que celui-ci s'était trompé de chemin. « Il est assez vrai,
répondit Ludovic, que l'un de nous deux a pris une fausse
route ; mais peut-être se trouverà-t-il que c'est vous et non
pas moi (1) !»
   Pierre rentra alors à Florence comme un prince malheu-
reux qui vient d'accomplir un devoir ; là encore la fortune
l'attendait, pour se venger des faveurs qu'elle avait prodi-
 guées à son père. La sédition grondait sous les murs de
 son palais, soudoyée aussi, par des émissaires sortis du
 camp français, et qui n'étaient autres que des parents
 proscrits du généreux négociateur. Laurent et Jean de
 Médicis, petits-fils de Laurent l'Ancien, avaient suivi
 Charles VIII depuis Lyon, où ils expiaient, dans un exil
 mérité, un complot ourdi par eux, au mois d'avril 1493,
  contre le chef de leur maison. Dès l'arrivée de Charles VIII
  dans notre ville, ils s'occupèrent d'y nouer des intelligen-
  ces avec les ennemis du trop clément Médicis, qui leur
  avait fait grâce de la vie. Pour comble de malheur, Pierre
  avait envoyé en ambassade à Lyon, un traître qu'ils ne
  tardèrent pas à mettre dans leurs intérêts. C'était ce Cap-
  poni, dont un descendant racheta plus tard le honteux re-
  nom,en nourrissant pendant trois mois près de quatre mille
  de nos compatriotes, pour préserver notre cité des horreurs
  de la famine de 1573 (2). C'était la seconde fois que le mal-
  heureux successeur de Laurent-le-Magnifique était ainsi


    (1) Guichardin, 1. i.
    (2) La place de la Miséricorde, où il faisait journellement ses distribu-
 tions, était voisine de la ruette autrefois appelée Cappon, parce qu'elle
 servait d'entrée à la maison des Capponi, « famille florentine fixée à Lyon,
 et que le commerce rendit si puissante , dit Cochard, qu'elle offrit à
  Philippe II de lui fournir, pendant la guerre, la solde de 3,000 hommes
  de pied, s'il voulait rétablir la liberté dans la Toscane. » Cette ruette est
  aujourd'hui comprise dans la partie occidentale de la rue des Tables -
  Ciaudienncs.