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54        LETTRES ARCHÉOLOGIQUES SUR LE FOREZ.

    Devisant le long du chemin, vous m'aviez, en effet,
déj4 retracé les origines du vieux prieuré, objet de notre
pèlerinage, vous m'aviez dit ses heures de prospérité,
dépeint ses jours de décadence, lorsqu'au bout de la val-
lée étroite et profonde qui s'étend du Banchet au défilé
du Tracol et au pied de la forêt de Tailhard, qui couvre
au loin la croupe des monts comme une longue draperie
de deuil, nous vîmes subitement apparaître le clocher de
Saint-Sauveur.
    A l'endroit où s'étale le bourg, le vallon qui jusque-là
 s'encadre et s'allonge entre deux chaînes à peu près pa-
 rallèles, s'ouvre légèrement, et s'arrondissant, forme
 comme une vaste clairière que confinent de toutes parts
 les premières montagnes du Vivarais.
     Avec la^vieille forêt qui lui forme comme un fond de
 tristesse, le paysage, ainsi que vous me le fîtes remar-
 quer, est vraiment imposant et grandiose , tout plein
 d'une mélancolie profonde qui vous frappe, tcut empreint
  d'une solennité rêveuse qui vous émeut. Là, pas de loin-
 tains bleuâtres, point de contours indistincts, esquisses
 fugitives qui bordent l'horizon de leurs traits vagues et
  amollis : la montagne se dresse en face de vous ; l'hori-
 zon se touche du doigt, positif, immuable., vraie figure
  de la règle de la vie religieuse, comme elle inflexible et
  invariable.
     Aussi, au bas de ces gigantesques barrières qui se
   dressent devant elle dans leur inexpugnable hauteur,
  l'âme se dit : c'est ici que finit le monde. Peut-il exister
   quelque chose au-delà de ces murs géants? Derrière n'est-
   ce point le vide et l'infini? Emprisonnée dans ce cycle
   étroit, la pensée se sent incapable de le franchir, et sous
   une inconnue et puissante étreinte, elle rentre et se re-
   cueille en elle-même.