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     '                 CONSTANCE DAYMER. '                      233
pauvre Ursule pour me servir de secrétaire, je suis obligée de
recourir à la plume d'une amie pour vous adresser une lettre au
gré de mon cœur.
   Vous comprenez que j'ai quelque chose d'important à dire.
Durant une année de séparation, vous avez pu réfléchir, ma
chère fille, et prendre de l'expérience. Vous voj ez à peu près
comment va le monde. Chacun a sa petite place ici bas ; il ne
lui est pas facile de l'agrandir et il est bon que la chèvre broute
là où elle est attachée. Si vous êtes toujours dépendante, je
comprends qu'il vous ei> coûte d'obéir, vous à qui tout le monde,
chez nous, cherchait à plaire. Si vous avez pris un commerce,
avec le peu d'argent dont vous pouvez disposer, vous devez
voir qu'il ne peut que vous faire vivre petitement à la ville, où
votre beauté se passera, où la maladie peut vous réduire à. la
misère, sans que personne de la grande ville s'en occupe. Vous
avez voulu faire une épreuve, vivre de privations pendant quel-
que temps. Je m'en réjouis, parce que cela prouve un caractère
ferme et que vous vous plairez mieux dans notre intérieur, quoi-
qu'il ne soit pas encore luxueux. Mathieu me gâte en m'entou-
rant de soins. II m'a donné une fille de ferme, qui fait
l'ouvrage. Il m'a abonnée à un journal de Besançon, qu'i
me lit toutes les fois qu'il est là et qui remplit la moitié de la
journée quand je suis seule. Il m'a fait arranger une jolie cham-
bre tapissée au premier et un grand poêle en faïence en bas.
Il a acheté la maison Muret joignant la nôtre. Au premier,
dans cette maison, on disposera l'appartement pour son ménage
et en bas une pièce pour le bureau. Vous pensez bien qui il
veut prendre pour femme. Les raisons que vous nous avez
écrites au jour de l'an dernier ne sont pas bien fortes. Si vous
voulez faire le commerce, associez-vous avec Mathieu. Si vous
tenez à avoir un magasin de modes, il vous achètera le plusieau
qui soit à Besançon, Quant à moi, je ferai tout ce que vous vou-
drez. Si vous voulez que je vous accompagne hors d'ici, je me ferai
jeune pour voyager. Je ne vous demande que de vous laisser
 appeler ma fille pour tout de bon. Mathieu vous aime à la folie
 et fera toutes vos volontés, et lui parler d'en épouser une autre,